Communication lors de la journée juridique de la Fédération Française de la Franchise

Lors de la journée juridique de la Fédération Française de la Franchise (FFF), qui s’est tenue le 7 décembre 2017, Maître Jean-Marie Leloup a été chargé de présenter les conditions de validité du contrat de franchise dans la réforme du droit des contrats.

Il s’est attaché à expliquer le consentement au contrat et le contenu du contrat :

 

  • LE CONSENTEMENT:

 

 

Etudier le consentement c’est vérifier qu’il n’a pas été vicié.

 

La platitude de la rédaction des articles 1130 et suivants du Code Civil nouveau, fait regretter le style, pédagogique et suggestif, de l’ancien article 1109 : « Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol » : donné… extorqué… surpris…, les réalités nuancées de la psychologie étaient présentées, avec économie de mots, en des termes dont chacun par sa structure même, exprimait les nuances : le mot « extorquer » fait souffrir rien qu’en le prononçant et évoque le nom du grand inquisiteur de Castille et d’Aragon sous les Rois catholiques, Torquemada.

 

Les textes de l’Ordonnance n’atteignent ni cette perfection d’expression ni cette facilité de mémorisation. Constatons une détérioration grave du style et donc de l’autorité de la loi. Les rédacteurs de l’Ordonnance semblent avoir oublié que l’excellence de la forme est garante de la compréhension du fond. Ne nous décourageons pas et examinons les vices du consentement.

 

Ne nous attardons pas sur la violence, inusitée dans les contrats commerciaux.

 

Restent l’erreur et le dol.

 

Or, dans notre domaine de la franchise ces deux vices de consentement se trouvent confondus par l’article R.330-1 du Code de commerce, dû à la loi Doubin du 31 décembre 1989, première réglementation d’une obligation d’information précontractuelle que généralise désormais l’article 1112-1 du Code Civil nouveau instituant un devoir général d’information, d’ordre public.

 

Le droit de la franchise a été ainsi un droit précurseur. Il faut souhaiter que l’interprétation qui en a été donnée par la Cour de cassation soit celle maintenant reconnue au devoir général d’information précontractuelle : alors que les franchisés mécontents de leur sort ont cru utile de répertorier les points sur lesquels l’article R.330-1 du Code de n’aurait pas été respecté, la Cour de cassation, dès le 10 février 1998 dans un arrêt ED Le Maraîcher (Bul. Civ. IV, n° 71), a parfaitement expliqué qu’il ne s’agissait pas de rechercher si le défaut d’information avait porté sur tel ou tel des renseignements prescrits, mais de savoir si ce défaut d’information avait eu pour effet de vicier le consentement du franchisé : c’est une lecture parfaite de l’article L.330-3 qui indique bien que le document remis doit permettre au franchisé « de s’engager en connaissance de cause ».

 

L’important est en effet de savoir si le consentement a été éclairé et libre et non pas de savoir si la casuistique du document prescrit a été respectée.

 

Depuis 1998, la ligne jurisprudentielle est constante.

 

On peut citer ainsi un arrêt récent de la Cour de Paris du 25 janvier 2017 (n° 14/23222) « la méconnaissance par un franchiseur de son obligation précontractuelle d’information, n’entraîne la nullité du contrat de franchise ou d’affiliation que s’il est démontré que celle-ci est constitutive d’un dol, d’une réticence dolosive ou d’une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé ».

 

C’est parfaitement dit.

 

Mais attention : les informations exigées par l’article R.330-1 doivent être exactes, et si le franchiseur y ajoute des éléments non requis par le texte, il doit être particulièrement vigilant dans leur exactitude, notamment au regard de ce qu’il n’a pas à fournir mais fournit parfois : le budget prévisionnel (Cass. Com. 13 septembre 2017, n° 2015/19740).

 

L’apport de la réforme est que désormais l’obligation d’information précontractuelle est réciproque : le candidat franchisé est tenu du devoir général d’information que pose l’article 1112-1 et l’on travaille à établir la liste des points sur lesquels le franchiseur peut exiger du candidat franchisé des réponses claires et exactes. Chaque réseau se préoccupe de déterminer la mesure du devoir d’information qu’l entend faire peser sur les candidats à l’entrée dans son réseau.

 

Il ne faut pas, là non plus, tomber dans le pointillisme et le défaut de beaucoup de franchisés décus, prompts à bâtir leur argumentation sur des manquants à la liste de l’article R.330-1 du Code de commerce alors que les cours des tribunaux apprécient légitimement la validité des contrats au regard de l’article 1108 ancien.

 

 

  • LE CONTENU DU CONTRAT:

 

La réforme a choisi de supprimer l’objet et la cause du contrat, remplacés par le « contenu », titre même de la sous-section III d’une section consacrée à la validité du contrat.

 

Quant à « l’objet », il devait être déterminé licite et possible : on le remplace par la « prestation », laquelle doit être déterminée ou déterminable (article 1163 nouveau).

 

La suppression de la cause, est le point le plus déchirant des débats suscités par la réforme.

 

Le rapport au Président de la République indique, sous l’article 1128 nouveau, que la cause serait un « facteur d’insécurité juridique et un frein à l’attractivité de notre droit «.

 

Pourtant les débats parlementaires devant l’Assemblée Nationale ont montré des députés souhaitant la réintroduction de la cause du contrat dans le Code Civil (notamment M. Coquerel, séance du 11 décembre 2017, compte rendu intégral, page 32/44).

 

On peut penser que la fonction moralisatrice de la cause, qui ne pouvait être illicite ou immorale selon l’ancien l’article 1130, se trouve aujourd’hui satisfaite par l’article 1162 nouveau pour lequel le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but.

 

Mais l’instrument d’analyse que constitue la cause ne se retrouve pas dans le contenu de l’obligation : comme l’a excellemment montré le Doyen Fayez Hage Chahine, lors d’une conférence prononcée à Beyrouth le 11 mars 2016, l’analyse du contrat suppose de répondre aux questions « quid debetur » et « cur debetur » : « quid debetur » qu’est ce qui est dû ? Le contenu peut fournir une réponse (sur quoi a-t-on consenti ?) ; mais à la question : pourquoi a-t-on consenti ? le contenu n’offre pas de réponse et on peut craindre que se réalise la prédiction de Gérard Cornu, rappelée opportunément par le Doyen Hage Chahine : le maintien de la notion de cause « crée beaucoup moins le problème que les expédients et les détours par lesquels il faudrait passer pour combler le vide creusé par sa suppression » (actes du Colloque du 11 mars 2016).

 

Ces difficultés à venir n’occultent pas la dépréciation du contrat de franchise à laquelle se livre un certain nombre d’opérateurs.

 

On voit dans la pratique toutes sortes de conventions qui n’ont rien à voir avec le contrat de franchisage présentées cependant comme des contrats de franchise.

 

Peut-on rappeler que, dès 1991, nous avons proposé de donner du contrat de franchise une définition reprise par des décisions de justice (Amiens, ch. com., 6 octobre 2000, RG n° 96/02089 ; Toulouse, ch. 2, sect. 2, 25 mai 2004, Juris Data n° 2004-247226, cité par Dissaux et Loir, « Droit de la distribution », Domat, 2017 – n° 683, page 366) : « contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise, dénommée franchiseur, confère à une ou plusieurs autres entreprises, dénommées franchisées, le droit de réitérer, sous l’enseigne du franchiseur,  à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l’avantage concurrentiel qu’il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables » (JM Leloup « La franchise – Droit et pratique », 2ème édition 1991, page 26).

 

En l’absence d’une définition légale, qui n’a pas lieu d’être car elle figerait la pratique, nous rencontrons dans la vie commerciale beaucoup d’opérations qui n’ont rien à voir avec le franchisage,  que les juridictions sont bien obligées d’appeler « franchise » puisque c’est la dénomination est donnée par les parties (Cass. Civ., 25 janvier 2017, n° 15-28064 ; Angers, ch. So., 25 juillet 2017, RG n ° 15-00202), la Presse, elle-même, présente parfois la franchise comme une méthode pour se défaire de magasins sans avenir et éviter de les fermer (Les Echos,  27 novembre 2017).

 

Il faut lutter contre cette dépréciation du terme.

 

La Fédération Française de la Française le fait notamment en demandant aux membres du Collège des Experts de joindre le Code de déontologie aux contrats qu’ils rédigent.

 

Les praticiens que nous sommes ont bien du mal à rappeler aux faiseurs de lois leur devoir d’excellence.

 

Du moins pouvons-nous, plus modestement, nommer « franchise » les seules opérations de franchisage et appeler autrement ce qui n’en est pas.

 

 

 

 

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